Yennayer : la vallée des Snous veut résister à l’amnésie
Si, au niveau de la wilaya de Tlemcen,
on a organisé une journée portes ouvertes à la Maison de la culture, sur
place, chez les populations berbères, aucun signe de fête, ou presque.
Alors que Yennayer est célébré un peu
partout à travers le territoire national, les choses se sont autrement
déroulées dans son berceau, la vallée des Snous, et particulièrement à
El-Khemis. Ce petit hameau niché entre quatre montagnes, avait une
histoire. C’est ici que le roi berbère Sheshnaq infligea au Pharaon,
Ramsès III, une cuisante défaite, en l’an 950 avant J.-C., suite à
laquelle il fonda la 12e dynastie pharaonique.
Aucune stèle, aucun signe d’un aussi glorieux passé, sauf, peut-être, les quelques maisons souterraines édifiées dans la roche.
Située à équidistance entre la pimpante Tlemcen et la très animée Maghnia, Beni Snous ressemble à toutes ces bourgades restées en marge du développement.
“On nous appelle les Kabyles, dans la région, mais personne ici ne parle kabyle depuis très longtemps. Heureusement que nos enfants commencent, depuis cette année, à apprendre tamazight à l’école”, nous confie un habitant d’El-Khemis.
Même le vice-président de l’APC de Beni Snous (3 km d’El-Khemis) ne sait pas un seul mot de kabyle, lui qui est originaire d’El-Khemis et qui a déjà participé aux festivités d’“Ayred” (lion) lorsqu’il était jeune. Il nous dit ignorer la signification du mot, mais se souvient, comme tous les habitants de la vallée des Snous, du moindre détail des rites de la célébration de Yennayer.
La célébration de Yennayer dans ces contrées diffère de toutes les autres régions du pays. Elle est un mélange de légendes et de pratiques païennes. Le fameux “Ayred”, genre de carnaval où une procession est organisée en soirée par des jeunes habillés en costumes traditionnels, portant des masques symbolisant des figures d’animaux avec le lion en tête, chantant à tue-tête, parcourant le village de maison en maison, accueillis par des youyous, pour se voir remettre des denrées alimentaires et friandises qu’ils distribuent ensuite aux nécessiteux.
Mais, c’est du passé, tout cela. Cette année, la célébration a été plutôt timide. Si, au niveau de la wilaya de Tlemcen, on a organisé une journée portes ouvertes à la Maison de la culture, sur place, chez les populations berbères, aucun signe de fête, ou presque.
La veille du 12 janvier, les hameaux de Beni Snous menaient leur train-train quotidien, fait d’un ennui étouffant. Hormis quelques bambins déguisés avec des masques de fortune, à l’entrée de Beni Snous, criant aux passants “ziara”, façon de leur soutirer de l’argent, pas d’ambiance de fête nulle part ailleurs. Quelques jeunes, les masques sur les têtes, préfèrent rentrer chez eux et ranger leurs illusions.
Aucune stèle, aucun signe d’un aussi glorieux passé, sauf, peut-être, les quelques maisons souterraines édifiées dans la roche.
Située à équidistance entre la pimpante Tlemcen et la très animée Maghnia, Beni Snous ressemble à toutes ces bourgades restées en marge du développement.
“On nous appelle les Kabyles, dans la région, mais personne ici ne parle kabyle depuis très longtemps. Heureusement que nos enfants commencent, depuis cette année, à apprendre tamazight à l’école”, nous confie un habitant d’El-Khemis.
Même le vice-président de l’APC de Beni Snous (3 km d’El-Khemis) ne sait pas un seul mot de kabyle, lui qui est originaire d’El-Khemis et qui a déjà participé aux festivités d’“Ayred” (lion) lorsqu’il était jeune. Il nous dit ignorer la signification du mot, mais se souvient, comme tous les habitants de la vallée des Snous, du moindre détail des rites de la célébration de Yennayer.
La célébration de Yennayer dans ces contrées diffère de toutes les autres régions du pays. Elle est un mélange de légendes et de pratiques païennes. Le fameux “Ayred”, genre de carnaval où une procession est organisée en soirée par des jeunes habillés en costumes traditionnels, portant des masques symbolisant des figures d’animaux avec le lion en tête, chantant à tue-tête, parcourant le village de maison en maison, accueillis par des youyous, pour se voir remettre des denrées alimentaires et friandises qu’ils distribuent ensuite aux nécessiteux.
Mais, c’est du passé, tout cela. Cette année, la célébration a été plutôt timide. Si, au niveau de la wilaya de Tlemcen, on a organisé une journée portes ouvertes à la Maison de la culture, sur place, chez les populations berbères, aucun signe de fête, ou presque.
La veille du 12 janvier, les hameaux de Beni Snous menaient leur train-train quotidien, fait d’un ennui étouffant. Hormis quelques bambins déguisés avec des masques de fortune, à l’entrée de Beni Snous, criant aux passants “ziara”, façon de leur soutirer de l’argent, pas d’ambiance de fête nulle part ailleurs. Quelques jeunes, les masques sur les têtes, préfèrent rentrer chez eux et ranger leurs illusions.
Une question d’organisation
Personne n’était en mesure de dire si les festivités allaient avoir lieu, y compris au commissariat de police. “L’administration ne se mêle pas des festivités, ni l’APC ni la Maison de la culture. C’est une initiative citoyenne. Les jeunes s’organisent entre eux dans les villages et entament les processions à la tombée de la nuit”, nous confie le vice-président de l’APC de Beni Snous.
À El-Khemis, la nuit était déjà tombée en ce lundi 11 janvier. Des jeunes guettaient devant la mosquée, la sortie des vieux, mais ils étaient très déçus de ne pas pouvoir faire la procession. “On ne nous a pas apporté les déguisements pour le faire.” “Qui doit les ramener ?”, avons-nous demandé. “Normalement, les gars du centre culturel, mais notre village est oublié, marginalisé. Pourtant, de toute la région, seule El-Khemis est à même de fêter convenablement Yennayer. C’est chez nous qu’il est né et c’est chez nous qu’il devrait être fêté comme il se doit”, nous lance l’un d’eux. Il est vrai que la rivalité entre villages de la région est criante et chacun se vantait, par le passé, d’avoir organisé le meilleur “Ayred”. Des adultes nous conseillent de revenir le lendemain, “les festivités commenceront après le Maghreb”, nous dit-on. Le lendemain, premier jour de Yennayer, le seul fait marquant était la sortie des femmes, en grand nombre, durant la journée, pour faire les achats afin de préparer le plat de Yennayer.
Outre la viande (poulet ou bœuf), le berkoukes, les beignets, les crêpes, sans oublier l’incontournable tredh (amandes, noisettes, figues sèches…).
À mesure que le crépuscule approche, des enfants commencent à sortir dans les ruelles arborant des masques de fortune et tenant des bâtons, encouragés par leurs parents. Ils attendent impatiemment la tombée de la nuit, pour entamer la procession.
Mais ils ne sont pas nombreux et devront se contenter d’un tour de pâté de maisons, sous les cris de “hallou el bibane, rana djayine” (ouvrez les portes, nous arrivons). La tradition veut que chaque maîtresse de maison ouvre la porte aux visiteurs, leur offre des friandises ou de l’argent. Des youyous fusent des fenêtres au passage des enfants.
Mais on est loin des festivités d’antan. Devant le mausolée de Sidi-Ahmed, un saint musulman, devenu lieu de départ des processions, pas âme qui vive.
De loin, deux jeunes, la trentaine, nous observent un bon moment, avant de nous lancer : “De notre temps, les festivités attiraient les foules, y compris des visiteurs qui venaient des régions avoisinantes, mais les jeunes d’aujourd’hui, tout ce qui les intéresse c’est le téléphone portable et le gel.”
Les festivités se poursuivent timidement, animées par des enfants que l’on pourrait compter sur les doigts d’une main. D’une ruelle à l’autre, alors que les adultes semblent avoir cédé à l’indifférence.
Les plus téméraires nous disent qu’il se pourrait que le lendemain, des festivités puissent se tenir, étant donné que les célébrations durent trois jours dans la région.
Mais personne n’est en mesure de dire avec précision quand et où ? C’est que dans cette vallée, il n’y a ni association ni, encore moins, de comités de villages, comme on les trouve ailleurs. L’administration locale ne se mêle pas des festivités et n’apporte aucun soutien, ne serait-ce que pour encadrer les jeunes.
Mais il serait injuste de prétendre que la tradition se perde dans la région de Beni Snous.
Durant les années 1990, en pleine crise terroriste, les festivités ont été interrompues, durant quatre années, mais aussitôt la paix revenue, les populations ont repris les vieilles habitudes.
Du côté de l’administration, on est allé jusqu’à organiser des festivités “Taiwan” dans les rues de Tlemcen, avec des figurines de Harry Potter, et des citrouilles de Halloween, entre autres. Mais, les aléas du temps, les maladresses de l’administration n’ont pas eu raison d’une tradition plusieurs fois millénaire, qui reste dans les mémoires de tous les Berbères de la région et qui est transmise de génération en génération.
Personne n’était en mesure de dire si les festivités allaient avoir lieu, y compris au commissariat de police. “L’administration ne se mêle pas des festivités, ni l’APC ni la Maison de la culture. C’est une initiative citoyenne. Les jeunes s’organisent entre eux dans les villages et entament les processions à la tombée de la nuit”, nous confie le vice-président de l’APC de Beni Snous.
À El-Khemis, la nuit était déjà tombée en ce lundi 11 janvier. Des jeunes guettaient devant la mosquée, la sortie des vieux, mais ils étaient très déçus de ne pas pouvoir faire la procession. “On ne nous a pas apporté les déguisements pour le faire.” “Qui doit les ramener ?”, avons-nous demandé. “Normalement, les gars du centre culturel, mais notre village est oublié, marginalisé. Pourtant, de toute la région, seule El-Khemis est à même de fêter convenablement Yennayer. C’est chez nous qu’il est né et c’est chez nous qu’il devrait être fêté comme il se doit”, nous lance l’un d’eux. Il est vrai que la rivalité entre villages de la région est criante et chacun se vantait, par le passé, d’avoir organisé le meilleur “Ayred”. Des adultes nous conseillent de revenir le lendemain, “les festivités commenceront après le Maghreb”, nous dit-on. Le lendemain, premier jour de Yennayer, le seul fait marquant était la sortie des femmes, en grand nombre, durant la journée, pour faire les achats afin de préparer le plat de Yennayer.
Outre la viande (poulet ou bœuf), le berkoukes, les beignets, les crêpes, sans oublier l’incontournable tredh (amandes, noisettes, figues sèches…).
À mesure que le crépuscule approche, des enfants commencent à sortir dans les ruelles arborant des masques de fortune et tenant des bâtons, encouragés par leurs parents. Ils attendent impatiemment la tombée de la nuit, pour entamer la procession.
Mais ils ne sont pas nombreux et devront se contenter d’un tour de pâté de maisons, sous les cris de “hallou el bibane, rana djayine” (ouvrez les portes, nous arrivons). La tradition veut que chaque maîtresse de maison ouvre la porte aux visiteurs, leur offre des friandises ou de l’argent. Des youyous fusent des fenêtres au passage des enfants.
Mais on est loin des festivités d’antan. Devant le mausolée de Sidi-Ahmed, un saint musulman, devenu lieu de départ des processions, pas âme qui vive.
De loin, deux jeunes, la trentaine, nous observent un bon moment, avant de nous lancer : “De notre temps, les festivités attiraient les foules, y compris des visiteurs qui venaient des régions avoisinantes, mais les jeunes d’aujourd’hui, tout ce qui les intéresse c’est le téléphone portable et le gel.”
Les festivités se poursuivent timidement, animées par des enfants que l’on pourrait compter sur les doigts d’une main. D’une ruelle à l’autre, alors que les adultes semblent avoir cédé à l’indifférence.
Les plus téméraires nous disent qu’il se pourrait que le lendemain, des festivités puissent se tenir, étant donné que les célébrations durent trois jours dans la région.
Mais personne n’est en mesure de dire avec précision quand et où ? C’est que dans cette vallée, il n’y a ni association ni, encore moins, de comités de villages, comme on les trouve ailleurs. L’administration locale ne se mêle pas des festivités et n’apporte aucun soutien, ne serait-ce que pour encadrer les jeunes.
Mais il serait injuste de prétendre que la tradition se perde dans la région de Beni Snous.
Durant les années 1990, en pleine crise terroriste, les festivités ont été interrompues, durant quatre années, mais aussitôt la paix revenue, les populations ont repris les vieilles habitudes.
Du côté de l’administration, on est allé jusqu’à organiser des festivités “Taiwan” dans les rues de Tlemcen, avec des figurines de Harry Potter, et des citrouilles de Halloween, entre autres. Mais, les aléas du temps, les maladresses de l’administration n’ont pas eu raison d’une tradition plusieurs fois millénaire, qui reste dans les mémoires de tous les Berbères de la région et qui est transmise de génération en génération.
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